Point du jour au lundi
25 août 2003
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L'envers du décor
Position à 4H15 (Paris) : 11°35
S / 94°14
W
La fin de semaine a été vraiment
houleuse. Un nid (les spécialistes disent épicentre)
de vagues situé environ 1000 km au Sud de la
planche a généré ces derniers jours
un énorme
train de houle dont Raphaëla sent les effets :
creux de 4,5 m avec des déferlantes qui balayent
régulièrement
la planche et un vent de 20 bons nœuds avec des
rafales à tous
les grains qui passent, et ils sont nombreux !
Hors
de question de gréer une voile dans ces conditions
même si le soleil fait des apparitions de plus en
plus nombreuses. "Je suis effrayée par l'état
de la mer, je n'avais pas connu ça sur l'Atlantique", la voix de Raphaëla se fraie un pénible chemin
dans l'étreinte de sa gorge…
Le vent est encore froid malgré la
température
de l'eau qui flirte avec les 22°C. "Je n'ai pas
envie d'aller dans le poste avant et de rentrer 50 l d'eau", on trouve des solutions pour organiser la vie à l'intérieur
de la planche qui dérive vaillamment dans les creux
impressionnants.
Samedi Raphaëla laisse la planche
en dérive,
elle se calfeutre sous la bulle et continue de lire "Voyages
en Polynésie" entre deux sorties sur le pont
en tenue d'Eve – "ça sert à rien
que je trempe mes fringues pour les regarder moisir dans
la chaleur suffocante de la planche" – pour
corriger le cap.
J'entends à peine la fin de la
phrase, une vague vient de claquer sur la planche.
" C'est
pas vivable de rester à rien faire" et pourtant
c'est la solution la plus sage, nous déployons des
trésors d'imagination pour l'en convaincre.
La conversation de samedi soir (4 H du
matin à Paris)
est sur le fil, il faut tenter de rassurer, de rendre la
confiance et la patience à Raphaëla.
Elle est
mal mais j'ai confiance dans ses décisions et puis
j'ai réussi à la faire sourire avec les potins
locaux, elle raccroche le cœur plus léger.
Dimanche les amis de Pénestin se rassemblent silencieusement
autour du téléphone dans la maison de Raphaëla.
Inutile de battre le rappel, ils savent tous. Les derniers
ne peuvent pas s'asseoir, tant pis. Tout le monde regarde
le téléphone, la tension monte d'un cran.
Je crois que si Raphaëla en sortait à cet instant
personne ne s'en étonnerait. Sonnerie, re-silence,
je décroche :
- Raphaëla, ça va ?
- …..
- Je crois que tu as eu une nuit difficile, c'est ça
?
- ….. comment tu sais ça ?
- Eh bien tu sais, Guy, la météo….
- J'ai fait un tonneau cette nuit.
Un météorite vient de tomber sur l'assemblé,
tout le monde se tasse sur sa chaise.
" Il était
1 H du matin et ça a duré 2 secondes. Je
me suis cognée à la télécommande
de la caméra, je crois que j'aurai un œil au
beurre noir. Et puis le porte-verres s'est scratché." Guy
avait couru tous les campings autour de Lorient pour trouver
ce porte-verres spécial caravanes…
Pourtant la voix de Raphaëla est plus posée,
plus calme, ce qu'elle redoutait la veille est arrivé,
rien ne s'est cassé, rien n'a été perdu
et il n'y a presque pas d'eau dans la planche. "Gérard
d'Aboville a chaviré 25 fois lui, j'espère
que je n'en ferai pas autant", toujours l'humour
qui sauve, et qui nous soulage aussi, merci Raphaëla
de penser à nous…
Le reste de la journée se déroule à peu
près calmement, sans navigation, dans une mer encore
très formée.
"Il y a de la moisissure
sur la planche et les fringues qui macèrent dans
les sacs poubelle commencent à puer".
Elle
a pris le temps de faire la vaisselle, de prendre quelques
et de tourner des images. "J'apprends plein de choses
sur Tahiti depuis 3 jours que je bouquine, c'est bien pour évacuer
les stress"…
Pari gagné pour Guy, il avait pronostiqué que
Raphaëla franchirait le 94è méridien
avant la fin du week-end…
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