Point du jour au lundi
15 septembre 2003 (Paris)
<<< Point
précédent - Point
suivant >>>
Retour au début
Cheveux chauds et nouilles
froides
Position à 5H30 (Paris) : 9°
16 S / 112° 50 W
Raphaëla a serré les fesses
toute la journée de vendredi.
"Je me suis fait quelques frayeurs, je me suis vue
partir en avant. Mais dans ces moments-là je pousse
un cri viscéral, vous savez celui de l'Haïkido".
Je pense au Kiaiiiiiii du Dr Justice, vous vous
souvenez c'est le cri qui paralyse l'adversaire.
Elle attend les effets de la dépression qui sévit
dans le grand Sud, elle est inquiète et coléreuse.
Le cabinet de crise est mis en place dès le vendredi
soir, je discute longuement avec Guy, il faut trouver une
méthode pour rassurer Raphaëla et clamer les esprits
qui s'échauffent.
Après une longue vacation samedi matin (on est en train
de plomber le forfait, là…) Raphaëla comprend
la nécessité d'appeler Guy pour faire un point
détaillé sur la semaine à venir. J'essaie
de me rendormir, les grasses matinées commencent à
se raréfier…
La semaine sera délicate, probablement
jusqu'à jeudi et Raphaëla a en tête la perspective
du début de redescente vers Tahiti qui pourrait s'amorcer
dès samedi ou dimanche prochain.
Son ami Jean-Marc (partenaire de "coinche") lui
fait une petite séance de Lunapark : "Ecoute
Raphaëla, si j'ai bien compris tu es en haut du toboggan
maintenant, après ça descend tout seul".
La journée de samedi est "une
bonne journée".
La mer n'est pas trop démontée, le vent est
régulier et le soleil est bien présent.
"Il faut que je m'en méfie d'ailleurs, je
n'ai pas mis assez de crème sur mes lèvres,
du coup j'ai une petite crise d'herpès".
Les chevilles, les oreilles, le cou et les mains sont
les seules parties du corps à avoir droit au soleil
(ouais, enfin, difficile de faire autrement), "sinon
pour le reste je suis blanche comme un lapin à l'engraissement"…
Brigitte réagit "tu as les yeux rouges,
alors ?".
|
|
Vacation téléphonique
à Pénestin : Pierre et Brigitte au 1er-plan,
Françoise et Charlotte au second plan.
Photo : François Vedeau |
Ca rigole au PC de Pénestin, pendant ce temps
je me repose…
On revient sur le verre à moitié
plein ou à moitié vide.
"Psychologiquement je le vois à moitié
plein, c'est vrai que la moitié psychologique est franchie,
mais il reste la moitié technique à faire".
Parce qu'il y a toujours un MAIS avec Raphaëla…
Excès de prudence sans doute…
La dérive sera plutôt bâbord
dans la nuit de samedi à dimanche, pas moyen de faire
autrement (cap au 240° dans le lit du courant équatorial).
Raphaëla a tenté de filmer la pleine lune, et
bien "ça marche pas"; et toujours
le déclenchement qui se fait une fois sur deux…
"les images le matin ça va pas non plus, ça
fait une grosse barre au milieu de l'image".
Et puis c'est la minute de vérité, "j'avais
besoin de retourner sur un océan pour savoir si la
souffrance physique était comme ce que j'ai connu sur
l'Atlantique".
En fait elle se sent bien, elle n'a plus l'angoisse permanente
rivée au corps. "Il y a beaucoup de choses
positives".
Le stock de berlingots baisse à vue
d'œil, et cela attriste beaucoup Raphaëla, "il
me reste les fruits secs, les plats cuisinés mais le
lait concentré ça c'est vraiment bon !".
Elle a trouvé les petits mots de l'équipe
sur les sacs de réserve à l'avant (quand on
vous dit qu'on a chargé la planche à bloc c'est
très sérieux).
"Par contre le riz cantonnais, pas de problème
j'ai vraiment tout ce qu'il faut".
Le petit Tino qui l'écoute s'écrit "Ah
le riz c'est bon… Raphaëla est-ce que tu as vu
des petits pingouins ?".
"Ben non, tu sais ce n'est pas le bon endroit pour les
pingouins, mais il y a plein de méduses qui m'accompagnent !".
Ses pieds commencent à inquiéter
Raphaëla "surtout le droit qui est coincé
dans le même footstrap depuis le début de la
traversée. La plante est enflammée et rouge
et je me demande si je ne vais pas avoir des ampoules en profondeur".
L'opération "Ampoules sans limite" est
aussitôt déclenchée, il faut lutter contre
la mutation en "pieds de momie", Elastoplast oblige…
"Il faisait grand soleil hier,
du coup j'en ai profité pour me laver, et je suis très
contente j'ai trouvé un système pour me laver
les cheveux à l'eau chaude. Une bouteille d'eau sous
la bulle pendant la journée de navigation et le soir
j'ai de l'eau à 35°C".
Dans ces moments-là Raphaëla est bien, sa
voix sourit.
"Ca me console des nouilles que je mange froides
parce que le thermos est foutu et bien foutu…".
|
|
Crédit photos : Odyssée
du vent 2003 |
|